CONTEXTE
Madagascar reste, au plan scientifique, un pays relativement enclavé, tout d’abord en raison des nombreuses difficultés socio-économiques chroniques telles qu’elles ont pu évoluer depuis l’époque coloniale et telles qu’elles sont encore vécues actuellement. La recherche universitaire, l’enseignement et la formation à la recherche, sont autant de domaines qui s’en trouvent ainsi entravés tout comme ils sont largement conditionnés par l’état des diverses situations socio-politiques. Ensuite les difficultés inhérentes à l’idéal d’une recherche efficiente et véritablement indépendante demeurent nombreuses : difficultés à accéder à une documentation scientifique actualisée, celles relatives à la diffusion des travaux de recherches (articles et publications, édition d’ouvrages ou d’actes de colloques voire opportunités réelles de participer aux colloques nationaux ou internationaux) dépendant généralement de conditions assez particulières.Les bailleurs de fonds ou les financeurs de projets étrangers sont surtout réceptifs à l’idée de recherches plutôt « utilitaires », la coordination des activités de recherche est parfois malaisée au plan national et entre les diverses universités, de nombreux chercheurs eux-mêmes prennent prétexte de ces difficultés de tous ordres pour ne pas se lancer franchement dans l’aventure. Cette situation, loin de nous nous décourager et de nous rendre défaitistes, nous semble néanmoins devoir être un puissant stimulant pour les enseignants-chercheurs malgaches soucieux de l’essor culturel et économique de leur pays en général et de leur région en particulier.
En outre il y a le fait que les travaux de recherches, entreprises dans une situation socio-économique et culturelle défavorable, sont trop vite jugés comme étant futiles et abstraits,surtout quand celles-ci le sont dans le domaine des langues et des lettres : leurs applications immédiates et les débouchés envisagés pour leurs auteurs sont estimés comme étant trop aléatoires. Il existe, en conséquence, un grand fossé entre ce que perçoivent les gens au sujet de la recherche dans ce domaine et ce qu’ils en attendent pour l’amélioration de leur vie matérielle au quotidien. Le constat d’un tel hiatus est ce qui nous a poussés à envisager des actions aux plans pédagogique et scientifique visant ainsi à réduire progressivement le fossé.
L’art, la littérature orale, la philosophie ou l’anthropologie ne sont pas à considérer comme des manières de fuir la réalité. Ce sont à nos yeux autant de voies qui offrent diverses visions et lectures du monde (ou, en tous cas, permettent d’y accéder), l’occasion aussi d’exprimer une résistance à la médiocrité et aux discours mystificateurs et fossilisés. L’art comme la littérature sont porteurs d’interrogations nouvelles, et les sciences du langage ainsi que les sciences sociales permettent de les comprendre et de les faire comprendre en vue d’y apporter des réponses utiles au développement social, économique, intellectuel, bref au développement humain. Ils ont donc une place importante dans la vie économique, politique, sociale d’un pays, en contribuant à son évolution, à son développement et à son ouverture à la mondialisation. Quant à l’histoire, on lui demande aujourd’hui,et de plus en plus, de s’interroger sur le présent. Si les tenants du libre-échange voient en la mondialisation une force de progrès relevant les niveaux de vie partout sur la planète, ses critiques la perçoivent surtout comme un moyen d’exproprier les ressources des pays pauvres pour les enchaîner à la dette. Le débat est d’un grand intérêt pour Madagascar et son avenir. D’autre part, la Grande île, divisée en régions géo-culturellement différentes mais ne souffrant en principe d’aucune incompatibilité entre elles, est un pays aux littératures aussi diverses que ses langues maternelles, ses multiples expressions d’une vision du monde unique, ses climats et ses caractéristiques géographiques, ses particularités historiques, ses spécificités anthropologiques. La prise en compte de cette vision du monde unique permet en tous cas d’envisager la mise en place d’une École Doctorale propre à la Faculté des Lettres de l’Université de Tuléar, s’appuyant sur une politique d’ouverture à la pluridisciplinarité et à des formations transversales.
Cette École Doctorale veut se donner ainsi le droit et le devoir d’agir dans et pour la société malgache avec ses différentes composantes, en s’instituant comme lieu de réflexion et comme outil de travail, et restant constamment ouvert aux populations laborieuses évoluant dans un monde culturel devenu sans repères... (pour l'ensemble de la note de présentation)
Voici l'arrêté ministériel confirmant notre habilitation d'ouvrir une école doctorale thématique...